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sait en eux…, quelque chose qui était leur cœur, leur fraternelle affection jamais démentie. Mais la sublime grandeur du sacrifice, plus forte, les soulevait de terre, s’emparant des puissances de leur âme pour leur faire jeter au ciel un « fiat » plein d’amour.

Even attendait ses neveux dans Le grand salon sombre où avaient vécu M. et Mme de Regbrenz. Adossé à la cheminée, les bras croisés, il était perdu dans une rêverie profonde, qui mettait une flamme de bonheur sur son visage creusé… Ces six années l’avaient peu changé physiquement, mais la rayonnante lumière de son regard décelait la vie mystique coulant à flots dans cette âme et la régénération merveilleuse opérée en elle par la pénitence.

— Xavier s’amuse dans le parc, répondit-il à une question de Gaétan. Voulez-vous aller le retrouver, Alix ?

— Non, merci, mon oncle, je préfère me chauffer un peu, dit-elle en s’asseyant dans le fauteuil que lui avançait Gaétan, près de la cheminée où Even avait allumé un feu clair de menu bois.

— Je vais voir ce que devient notre jeune fou… Il est toujours prudent de le surveiller, dit le jeune homme.

Il s’éloigna d’un pas vif, tandis que son oncle, s’approchant de la fenêtre, le suivait du regard. C’était, en vérité, un jeune être superbe, mince et vigoureux, d’une distinction incomparable. Sa belle tête fière, légèrement relevée, l’attitude résolue et quelque peu hautaine, il offrait une victorieuse image de jeunesse, d’intelligence et de force… Il était un Regbrenz dans la meilleure acception de ce mot, c’est-à-dire un grand seigneur d’impeccable apparence, de cœur généreux et d’esprit supérieur. Et cependant !…

— Cependant, il ira catéchiser des chinois igno-