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dement sacrifié tous les siens à sa haine impie, à son appétit de luxe… Savez-vous, Alix, qu’elle nous a menés, autrefois, sur le bord de l’abîme, à l’époque de ces folles et indélicates spéculations ? Une signature seule manquait pour compromettre notre nom dans une affaire déshonnête, dont la faillite fit du bruit en ce temps-là… J’ai constaté tout ceci en compulsant les papiers de mon père. Quant à votre fortune, ce pauvre père en avait abandonné l’administration à Georgina, et vous pouvez vous figurer la manière dont elle employait cette confiance. Étant désormais votre tuteur, je m’occupe à éclaircir ses comptes, besogne ardue, car ils ont été compliqués à plaisir… Ma pauvre enfant, combien vous avez dû souffrir en la voyant s’emparer des objets ayant appartenu à votre mère, à celle qu’elle avait haïe et persécutée !

— Il y a eu des instants pénibles, murmura Alix avec mélancolie, mais comme la miséricorde divine a tout conduit ! Aurais-je jamais songé, en arrivant ici, à ces résultats inespérés ?

Elle n’expliqua pas quels étaient ces résultats, mais celui qui l’écoutait la comprit. Avec une reconnaissance émue, il considéra longuement le visage si doux et charmant, où l’absence de regard mettait un calme surnaturel. Alix aveugle lui semblait un être détaché de la terre, une âme idéalement belle et pure effleurant ce monde de misère.

Le voyant demeurer silencieux, la jeune fille reprit :

— Je m’étonne de n’avoir pas reçu de lettre de Gaétan. Le facteur est cependant passé, ce matin.

— Il aura sans doute manqué ce courrier. Soyez sans crainte, il ne vous oublie pas… Quelle intelligence possède cet enfant ! Depuis si peu de temps qu’ils le connaissent, les pères de Vannes en sont émerveillés ! Il ira loin, Alix.