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jetait chaque jour les hymnes d’action de grâces.

Jusqu’ici, miss Elson et lui s’étaient toujours refusés à entretenir la jeune fille des faits survenus pendant sa maladie, craignant de provoquer chez elle une trop forte émotion. Docilement, elle n’en avait plus reparlé, mais aujourd’hui, se sentant plus forte, elle réclamait l’exécution de cette promesse faite un jour par son oncle : « Quand vous serez mieux, Alix, j’aurai à vous entretenir de beaucoup de choses. »

Even quitta la fenêtre et vint s’asseoir en face de sa nièce. S’il eût été possible à la jeune fille de le voir, elle aurait constaté avec bonheur la transformation opérée en lui, ce rajeunissement, cette mystérieuse beauté produite par l’union de l’âme à son divin Auteur. Les plis creusés sur son front, une mèche prématurément blanchie dans son épaisse chevelure blonde rappelaient seuls les souffrances morales de jadis… Correctement vêtu de noir, les cheveux et la barbe soignés, le regard calme et profond, il présentait un aspect éminemment aristocratique et, plus que jamais, s’augmentait sa ressemblance avec sa sœur Gaétane.

— Je vous ai appris, il y a quelque temps, Alix, que Georgina était partie le lendemain du terrible jour. Mais, jusqu’au dernier moment, elle devait exercer sa néfaste influence, car ce fut à la suite d’une scène effrayante que mon père se coucha et ne se releva plus. Elle s’en alla en m’insultant, et je fus obligé de la traiter en criminelle, c’est-à-dire de la surveiller étroitement.

Il s’arrêta quelques minutes, subitement assombri par le souvenir de ces heures pénibles. Même à celle qui connaissait toute la vérité, il éprouvait une honte insoutenable à dire que sa sœur était… une voleuse, capable de s’approprier les objets précieux appartenant à ses neveux…