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II.


Devant la petite gare de Ségastel attendait une voiture incroyablement sale et délabrée, attelée d’un cheval efflanqué et menée par un vieux paysan tout courbé, le père Fanche. C’était cet inénarrable équipage que la famille de Regbrenz avait envoyé au-devant des voyageurs.

L’ombre envahissait la route large et bien entretenue sur laquelle roulait péniblement le misérable équipage. Dans cette demi-obscurité, l’œil distinguait encore vaguement des champs, des arbres courbés aux formes étranges… L’air vif et frais, chargé de senteurs agrestes, frappait au visage les voyageurs et soulageait la tête brûlante d’Alix. Brisée par l’émotion du départ et par cette arrivée mélancolique, la jeune fille s’appuyait sur les vieux coussins qui exhalaient une odeur de moisissure. Miss Elson s’assoupissait peu à peu, Xavier dormait, la tête sur les genoux de l’institutrice, Gaétan tenait les yeux fermés… Personne ne troublerait les pensées angoissantes, les poignantes préoccupations qui martelaient l’imagination d’Alix, maintenant plus que jamais, car le but redouté était proche.

Quel être était donc cet aïeul qui n’avait pu trouver à envoyer vers ses petits-enfants que ce paysan à peu près en enfance, vêtu comme un mendiant ? Il n’avait donc pas idée de l’amertume, des découragements profonds qui envahissent une