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peut dormir paisiblement quelques heures, elle sera sauvée.

Voici pourquoi Mathurine, flottant entre la crainte et l’espérance, écoutait la respiration de la jeune fille, saccadée d’abord, puis s’égalisant peu à peu jusqu’à devenir un souffle régulier… Le visage de la fidèle Bretonne rayonna de joie, ses mains se joignirent dans un geste de reconnaissance, mais elle demeura longtemps immobile, n’osant faire un mouvement pour annoncer la bienheureuse nouvelle. Elle demeura ainsi près d’une heure, jusqu’à l’instant où le docteur Sérand entra, suivi de miss Elson et d’Even.

Mathurine posa un doigt sur ses lèvres en murmurant avec ravissement :

— Elle dort.

Et tous eurent un soupir de bonheur, de soulagement immense… mais aucun à l’égal d’Even. Nulle parole humaine ne saurait dépeindre le regard de radieuse reconnaissance dirigé vers la blanche Madone si chère à Alix et devant laquelle, en ces jours d’angoisse, le pécheur converti avait réappris à prier.

Ils s’assirent tous trois dans un angle de la chambre et bientôt Xavier et Gaétan, se glissant par la porte entrouverte, vinrent doucement les rejoindre… Even prit sur ses genoux le plus jeune des enfants et entoura de son bras le cou de Gaétan. Maintes fois, pendant cette période de mortelle inquiétude, ils étaient venus se réfugier ainsi près de celui qui les aimait maintenant avec passion. La voix grave et tendre de son oncle Even avait seule pu atténuer le sombre désespoir, l’affreuse angoisse de Gaétan en présence du danger menaçant sa sœur… En cette occasion s’étaient révélées à Even l’âme ardemment aimante et la force de volonté de son neveu, en même temps que la puissance de réflexion