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C’était Even, et l’une de ses mains retenait contre lui un enfant. Alix jeta un cri de bonheur :

— Gaétan est là !… Merci, mon Dieu !

Even semblait à bout de forces et, malgré l’énergie surhumaine déployée dans sa lutte contre l’Océan, il ne parvenait plus à faire les quelques mètres le séparant du sol ferme. Un appel retentit, affaibli par la tempête :

— Je ne peux plus… Au secours !

Simultanément, sans un instant de réflexion, les deux femmes s’élancèrent. Qu’allaient-elles faire, la jeune fille frêle et inexpérimentée et la servante affaiblie par ses infirmités ?… Elles ne se le demandèrent même pas. Un semblable mouvement de folle abnégation les poussait, sans souci du monstre déchaîné, vers celui qui appelait à l’aide…

Mais Even avait réussi à accomplir le suprême effort et une énorme lame sombre le jeta près des deux femmes. Il se traîna jusqu’à une roche demeurée sèche et s’y laissa tomber, épuisé, sans lâcher Gaétan évanoui.

— Il est sain et sauf, murmura-t-il d’une voix essoufflée.

Alix saisit l’enfant, le pressa contre elle en baisant ce front pâle et mouillé. Il ouvrit les yeux, reconnut sa sœur et murmura :

— Pardon, Alix… Oh ! mon Alix !

Mathurine, affolée de joie, s’était agenouillée près de la jeune fille en laissant échapper des mots entrecoupés.

— Le voilà retrouvé, notre petit… Elle le détestait tant !… Mais elle n’a pas réussi, il est sauvé ! sauvé !…

— Qui t’a emmené ainsi, mon Gaétan ? murmura Alix.

— C’est M. Maublars.

— M. Maublars !… Oh ! je le pressentais ! s’écria douloureusement la jeune fille.

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