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Malgré le vent ininterrompu, les sentiers du parc étaient encore mouillés de la pluie tombée la nuit précédente et, sur ce sol boueux, les pas avaient fortement marqué, ainsi que le constatèrent Even et Mathurine en rejoignant Alix. Près de l’empreinte des petits pieds de Gaétan, l’autre apparaissait beaucoup plus large, telle que celle d’un pied masculin… Tous trois s’engagèrent sous la feuillée incessamment secouée par le souffle courroucé et hurlant.

Ils avançaient rapidement malgré les ténèbres épaisses, sans échanger une parole, car tous avaient la gorge serrée par l’émotion, et la pauvre Alix était torturée par une angoisse indicible. À tout instant, Even se baissait afin de constater la continuation des traces sur la terre humide… Ils atteignirent ainsi la terrasse et, d’un bond, Alix fut à la porte.

— Elle est ouverte !… Mon oncle, il est passé par ici ! cria-t-elle avec terreur.

Even s’élança à sa suite sur la grève. L’ouragan, un peu atténué dans le parc, se livrait là à toute sa violence. Dans l’obscurité intense, le souffle furieux des rafales s’unissait au mugissement des flots soulevés et au brisement des lames contre les roches.

— Alix, retournez, je vous en supplie ! cria Even.

Mais le vent emportait ses paroles, ou bien Alix ne voulait pas entendre, car elle continua sa route sous la rafale qui la secouait sans pitié. Une prière ininterrompue s’élevait de son cœur déchiré, tandis qu’elle voyait en esprit le petit corps roulé par la vague monstrueuse dans l’horreur de cette nuit de tempête.

Sur le sable, les pas marquaient à peine et, la zone

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