Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

allant toujours vers cet avenir troublant que venait de lui ouvrir la lettre de M. de Regbrenz.

Qui était cette famille et qu’y avait-il eu entre elle et Mme de Sézannek ?… Un souvenir revenait maintenant à Alix. Un jour, elle avait aperçu entre les mains de sa mère la photographie d’une jeune fille un peu contrefaite, dont le visage sans beauté avait frappé son esprit enfantin par une délicieuse expression de bonté et d’extrême douceur. En la regardant, les yeux de Mme de Sézannek s’étaient remplis de larmes et, tout bas, elle avait murmuré avec douceur : « Alix !… ma cousine Alix !… » Et, tout à coup, avec un mouvement d’impatience et de brusque résolution, elle avait renfermé la photographie dans un tiroir de son bureau.

La jeune fille eut tout à coup envie de la revoir. Elle ouvrit le coffret où sa mère gardait les lettres d’Alix de Regbrenz, relut quelques-uns de ces feuillets chargés de tendresse, regarda longuement la photographie de l’inconnue qui, bien que beaucoup moins belle, ressemblait si étrangement à sa mère. Comme elle la reposait dans le coffret, elle s’aperçut qu’une enveloppe était restée coincée tout au fond.

L’ayant attirée à elle, elle lut cette suscription :

Pour remettre, après ma mort, à ma cousine Alix de Regbrenz, à Ker-Neven, près Ségastel.

Comment cette dernière volonté de Mme de Sézannek avait-elle été négligée ?… Volontairement ou non, la lettre avait été oubliée là. Sans doute était-ce une réponse tardive à la cousine justement froissée, un acte de réparation envers l’amie délaissée, peut-être une explication de cette conduite singulière… Un soulagement indicible s’empara d’Alix à cette pensée. Il lui était excessivement pénible de songer que sa mère était morte sans réparer ses torts.

Dès le lendemain, elle enverrait cette lettre à destination… ou bien, peut-être, irait-elle la porter elle-