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Dans le salon voisin, les enfants, après un rapide dîner, avaient été installés par Alix devant un jeu de cartes.

La tempête redoublait d’intensité et, sous ses coups furieux, la vieille demeure gémissait lugubrement. Le sourd grondement de l’Océan déchaîné se mêlait, tel une basse gigantesque, aux hurlements des rafales et aux gémissements de la nature ébranlée. Dans les accalmies, la voix farouche du terrible naufrageur s’élevait seule comme un Dies irae d’une incomparable puissance… Mais rien ne troublait la paix de cette âme prête à voir son Dieu. À mesure que le corps s’affaiblissait, l’esprit se dégageait des brumes qui l’avaient si longtemps obscurci. La mourante demanda tout à coup :

— Quelle heure est-il ?

— Bientôt huit heures, grand-mère.

Un gémissement échappa à la vieille dame.

— Huit heures !… Gaétane partait à cette heure-là, par une tempête comme celle-ci…

Ses mains se joignirent et elle murmura :

— Pardon, mon Dieu !

— Oui, Dieu vous pardonne, chère grand-mère, soyez en paix, dit tendrement Alix.

Le silence se fit de nouveau dans la chambre… Un moment après, Mathurine, échappant à la somnolence qui l’envahissait, se leva doucement pour aller chercher les enfants afin de les faire se coucher. Elle reparut quelques minutes plus tard, tenant par la main Xavier à moitié endormi.

— Mademoiselle, savez-vous où est M. Gaétan ? demanda-t-elle à voix basse.

Sur la réponse négative d’Alix, son visage exprima une vive agitation.

— C’est étonnant, il n’est plus dans le salon. J’ai trouvé seulement M. Xavier endormi dans un fauteuil.