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lins, et les intrigues de Mme Orzal commençaient à être pénétrées par son frère.

En entrant dans la cour de Bred’Languest, Alix aperçut Even qui paraissait guetter son arrivée. Son visage portait l’empreinte d’une profonde douleur, et il dit à sa nièce d’une voix étouffée :

— Ma mère va beaucoup plus mal, Alix. Je viens d’envoyer Rose chercher le médecin…

— Et le prêtre aussi, mon oncle ?

— Le prêtre en premier, naturellement… Venez la voir, Alix. Il me semble que l’intelligence renaît un peu chez elle.

Elle le suivit jusqu’à la chambre où M. de Regbrenz et Mathurine, mornes et abattus, contemplaient la mourante. Mme de Regbrenz respirait avec une peine extrême, ses traits étaient fort altérés, mais Even avait dit vrai : dans le regard qu’elle dirigea vers Alix, la raison était revenue… Sa main s’agita faiblement comme pour appeler vers elle sa petite-fille et, lorsque celle-ci fut tout près, cette main maigre et tremblante se posa sur la chevelure brune.

— Ma fille ! dit-elle avec un inexprimable accent de tendresse.

Alix se pencha et baisa longuement le front ridé.

— Grand-mère, je vous aime… et ma chère maman aussi vous aimait tant !

Les yeux bleus de la vieille dame exprimèrent soudain une profonde désolation et, peu à peu, s’humectèrent de grosses larmes, qui roulèrent lentement sur ses joues flétries… Elle murmura avec un accent navrant :

— C’est ma faute… Ils la rendaient malheureuse et je n’ai rien empêché… J’ai cru leurs mensonges. Pardon, Gaétane !…

— Grand-mère, elle avait tout pardonné, elle vous aimait toujours…