Page:Delly - Dans les ruines, ed 1978 (orig 1903).djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

IX.


La tempête n’avait pas cessé depuis la veille et ce fut sous ses rafales furieuses, au bruit de la mer soulevée et des arbres gémissants, qu’Alix et ses frères reprirent le chemin du manoir.

Insouciante du souffle brutal qui soulevait sa capeline de paille bise, la jeune fille marchait un peu comme en un rêve, en se répétant avec une douce ivresse que la mémoire de sa mère allait être lavée de tout soupçon aux yeux d’Even… Un hymne de reconnaissance s’échappait de son âme, montant vers Celui qui avait préservé ses frères et elle d’un sort terrible, car, étant donné la persécution subie par Gaétane, il était permis à ses enfants de tout craindre. Avec l’infernale habileté qui la caractérisait, Georgina aurait su, en se garant de tout risque, s’assurer la possession de la fortune des Sézannek le jour où le dernier des enfants aurait atteint sa majorité. Que fallait-il pour cela ? Provoquer des accidents, employer des moyens de corruption morale pour ceux ou celui qui survivrait, afin de le dominer et de circonvenir sa volonté de telle façon que ce dernier héritier des Sézannek testât en faveur de sa tante… Et puis celui-là disparaîtrait encore. Georgina avait pour cela des années devant elle, et, en attendant, elle jouissait librement des revenus de ses neveux.

Mais Dieu avait suscité un défenseur aux orphe-