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— Non, ma pauvre enfant, si l’honorabilité de ces personnes est attestée ; Me Rosart va précisément prendre des renseignements à ce sujet et, alors seulement, il engagera les affaires avec M. de Regbrenz… Voyons, ne prenez pas cet air désolé, Alix. Tout ira bien, j’en suis sûr, car cette famille ne pourra faire autrement que de vous aimer…

— Ça, c’est évident, à moins qu’ils ne soient tous des rocs, déclara une voix éclatante.

Une jeune fille de l’âge d’Alix entrait en coup de vent, les cheveux flottant autour de son visage frais et rieur, la gaieté pétillant dans ses yeux bruns… À la vue de la physionomie altérée d’Alix, un peu de tristesse vint soudainement voiler son regard joyeux. Elle s’élança vers elle et la baisa au front.

— Quoi donc encore, pauvre chérie ?… Vous lui avez apporté de mauvaises nouvelles, papa ?

— Ma Jeanne, j’ai un grand-père qui veut notre tutelle et… oh ! Jeanne, mon amie, nous devrons partir pour la Bretagne !

Jeanne Sérand leva les bras au ciel en un mouvement de stupeur.

— Tu vas nous quitter !… et t’en aller là-bas, dans quelque trou perdu, peut-être !…

— Précisément… car je ne suppose pas que Ségastel soit un centre bien important.

Elle essayait courageusement de sourire, la pauvre Alix, mais sa souffrance paraissait malgré tout. Jeanne hocha la tête en la regardant d’un air soucieux qui lui était peu habituel et murmura :

— Comme les événements arrivent vite !… De Paris dans un village !… Oh ! moi, je ne m’y habituerais jamais ! Et que va dire Gaétan ?

— Gaétan se révolte déjà à cette seule pensée, répondit miss Elson. Nous aurons des scènes violentes. Néanmoins, je crois le sentiment du devoir