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peu que vous, moins peut-être… Il me faut de l’argent, voilà tout. Tant pis pour les gogos qui se laissent prendre dans vos habiles filets !… Suivait une adhésion à « la prochaine affaire » au bas de laquelle une écriture tremblée avait apposé cette signature : Hervé, comte de Regbrenz.

» Dans quelle fange allait rouler ce nom jusqu’ici intact ? Vers quel abîme de honte Georgina conduisait-elle mon malheureux père, désormais aveuglé ?… Pendant quelques minutes, je demeurai anéantie, broyée par une atroce souffrance. La dignité, l’orgueil de ma race, ma conscience, mon respect filial, tout criait en moi, tout se révoltait devant cette preuve tangible de l’infamie de ma sœur, de la coupable faiblesse de mon père…

» Et, saisie d’une subite inspiration, n’écoutant que ma douleur, je courus vers le salon où se tenait mon père, je lui montrai la lettre de Georgina… Il ne rougit pas, ne se troubla pas et dit tranquillement : « Oui, Gina a trouvé là une vraie mine d’or. Les profits sont considérables et les risques à peu près nuls. »

» Je tentai alors de faire revivre chez lui un peu des sentiments d’autrefois en lui rappelant son affection à mon égard et les traditions d’honneur de notre famille. Je le suppliai de rompre ces spéculations douteuses… Quelque chose s’amollissait en lui, je voyais déjà poindre un léger succès, lorsque… Oh ! Alix, j’affirmerais qu’elle était là, derrière la porte, celle qui était cause de nos malheurs et qu’elle avait intentionnellement mis sur mon chemin le billet révélateur, car si tu avais vu, à son entrée subite dans la chambre, cette expression de triomphe railleur ! Elle savait quelle torture elle m’infligeait en me faisant ainsi connaître la vérité.

» Et ce fut fini de la vacillante lueur de remords