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Tu connais Georgina, tu sais son animosité à mon égard dès notre plus jeune âge et les petites persécutions déjà dirigées contre moi à cette époque. Plus tard, elle cacha, aux yeux de tous, cette aversion et, seule avec ma fidèle Mathurine, je sus qu’elle existait, toujours grandissante, aux attaques sourdes et continuelles dont j’étais l’objet, aux insinuations faites à mon père contre moi et habilement enveloppées de vraisemblance — manœuvre dans laquelle excellait Georgina.

» Oh ! mon amie, que vais-je te dire maintenant ?… Il me faut accuser ma sœur, une Regbrenz, et de quoi donc ?… Sans le dévouement, l’infatigable surveillance d’une servante, je ne serais peut-être plus en vie !…

» Tu te rappelles Stop, ce chien hargneux et mauvais que Georgina s’obstinait à garder ? Je m’aperçus, à plusieurs reprises, que Fanche l’excitait en dessous contre moi et, un jour, de lui-même, l’animal s’élança sur ma main. Mathurine, qui se trouvait près de là, accourut à mon aide, et ce fut elle que le chien mordit. Sa pauvre main, mal soignée, demeura mutilée… L’année suivante, un jour de la fin des vacances, Georgina dirigea notre promenade vers Ker-Mora et m’engagea à entrer dans la maisonnette, alors habitée par la veuve d’un pêcheur. Je portais parfois quelques douceurs à cette vieille femme et, sans méfiance, je pénétrai dans sa demeure. Elle était couchée, le visage gonflé et affreux, et me cria de m’en aller, mais j’étais jeune, sans expérience, et persistai à m’approcher d’elle… Tout à coup, je me sentis saisie, entraînée au-dehors. C’était Mathurine… La femme avait la petite vérole… Je l’eus, sans gravité, mais ma fidèle servante la prit en me soignant et se trouva en grand danger. Elle gardera toujours les traces de son dévouement, ma chère, ma bonne Mathurine, dont la vigilance défiait