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cer l’odieux mot de vol, mais, devant ce visage altéré, Alix de Regbrenz comprit qu’elle connaissait tout.

— Qui vous a dit ?… Pauvre petite ! dit-elle en saisissant les mains glacées de la jeune fille.

— Vous le saviez aussi, ma cousine ?

— Oui, mais seulement depuis le jour où vous m’avez remis la lettre de votre mère. Elle me racontait tout…

— Et c’est vraiment ainsi ?… balbutia la voix oppressée d’Alix.

— Mais non !… non certes, mon enfant ! Gaétane, ma loyale Gaétane, se serait fait tuer plutôt que de commettre une telle action !… Puisque vous connaissez maintenant l’accusation, je dois vous communiquer la défense. Prenez mes clefs et cherchez dans ce tiroir ; vous y trouverez la lettre apportée par vous.

Quelques instants plus tard, Alix tenait entre ses mains les nombreux feuillets couverts de l’écriture de sa mère, et, s’approchant de la fenêtre, elle commença à lire :


« J’ose à peine t’adresser ces lignes, mon Alix, car, bien certainement, tu me traites d’ingrate, tu m’as oubliée peut-être… ou, chose plus affreuse encore, tu as écouté les accusations inventées contre moi et tu me méprises… Pourtant, si tu savais !… Oh ! si tu savais ce que j’ai souffert, Alix, tu me pardonnerais ! C’est dans cette pensée que je me suis résolue, trop tardivement, à te faire tout connaître, mes torts et leurs circonstances atténuantes, mes angoisses et mes regrets, afin que tu me juges, et qu’un jour tu puisses me défendre devant mes enfants, si jamais des cœurs haineux faisaient planer le soupçon sur la mémoire de leur mère.

» Pour me défendre, il faut accuser, et la cause de nos malheurs… tu la devines, n’est-ce pas, Alix.