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sa jupe. Donnez la main à Simone, Alix, et courons.

La petite Maublars se cramponna à la main d’Alix, et celle-ci, dans l’impossibilité de se dérober, dut suivre Georgina, qui avait pris les devants avec M. Maublars… Au seuil du manoir, Mme Orzal s’arrêta pour attendre sa nièce et lui dit avec un sourire de défi :

— Entrez au salon, ma chère, et vous aussi, miss Elson. Vous verrez quel agréable causeur est notre ami… Allons, les petits garçons, allez jouer dans la salle à manger.

— Je vous remercie, madame, mais je dois suivre les enfants, dit fermement miss Elson, qui avait saisi le coup d’œil anxieux de son élève. Je vais les emmener tous, si vous le voulez.

— À votre aise, mais vous avez tort, répliqua sèchement Georgina sans essayer d’insister, car elle savait par expérience que l’Anglaise était intraitable sur le chapitre de ses devoirs.

Et Alix se trouva seule entre ceux qu’elle appelait secrètement les ennemis de son âme… Seule en apparence, car le Dieu dont elle vivait surnaturellement la soutenait de sa force inéluctable et la pénétrait d’invincible confiance.

Georgina avait dit vrai : la conversation de Maublars était douée d’une incontestable séduction. Il savait, comme nul autre, effleurer tous les sujets en les revêtant de la magie d’une parole harmonieuse, imagée, vibrante de poésie, et, devinant sans doute en cette enfant grave la femme à l’esprit pénétrant, cultivé et sensible aux impressions d’art, il déploya pour elle le fascinant arsenal de son intelligence dévoyée, mais superbe. Encouragé par Georgina, il parla littérature, musique, voyages, avec un charme égal, sans le plus léger mot qui pût effaroucher la délicate conscience d’Alix.