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— Une promenade !… à cette heure !… s’exclama Georgina sans essayer de dissimuler sa stupeur irritée. Quelle idée te prend, Even ?… Et c’est à maman, qui ne sort jamais le soir, que tu fais cette proposition folle !

— Venez-vous, maman ? dit Even avec calme, sans avoir paru entendre la protestation de sa sœur.

Le regard de la vieille dame exprimait un indicible ravissement. Elle prit le bras que lui tendait son fils et tous deux sortirent de la salle à manger… M. de Regbrenz les regardait, indécis, mais la main de sa fille se posa tout à coup sur son épaule.

— Venez dans le salon, mon père, nous y serons beaucoup mieux, je vous assure. L’air du soir est mauvais pour vous et je ne veux pas, comme cet imprudent Even, risquer de me trouver responsable d’un accident.

Quelle habileté charmeuse savait déployer cette femme !… Sans résister, le vieillard s’éloigna lentement vers le salon déjà obscur, privé d’air et exhalant une odeur de renfermé et de moisissure. Il vint s’asseoir près d’une fenêtre close et suivit du regard Mme de Regbrenz et Even, qui s’éloignaient à petits pas.

— Viens un peu te promener avec moi, Alix, dit Gaétan en se pendant au bras de sa sœur.

Ils sortirent à leur tour et se dirigèrent vers le parc. Là-bas, à l’extrémité de la cour, se profilaient dans le crépuscule les silhouettes d’Even et de sa mère… Une joie pénétrante fit tressaillir le cœur d’Alix. Elle naissait donc, cette aurore si ardemment et quotidiennement sollicitée ! Il s’annonçait enfin, ce retour des pauvres âmes annihilées et pécheresses vers la divine clarté !… Pour elles, Alix avait offert le lourd fardeau de ses inquiétudes et de ses responsabilités. Comme un réconfort et une