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gina était toujours là, debout près de la porte. Ses mains froissaient violemment les rubans de son corsage et, sur son visage, une rage inexprimable se faisait jour sans réserve. De ses lèvres s’échappaient des mots exaspérés, que saisit l’oreille fine d’Alix.

— Tout est à refaire… et par la faute de cette Alix ! Avoir eu raison d’eux tous et me voir contrecarrée par une enfant !… Oh ! non !… non, je la briserai plutôt, mais il me faut cet argent…

Là-bas, Mathurine appelait Alix pour le dîner. La jeune fille s’éloigna doucement et entra dans la salle à manger au moment où Georgina y pénétrait par une autre porte.

Even était là, debout près du siège où venait de s’asseoir sa mère. Avec sollicitude, il plaçait à portée de la main de la vieille dame sa serviette et le petit pain. De l’autre côté de la table, Gaétan le considérait en ouvrant de grands yeux, comme s’il se fût trouvé en face d’un spectacle extraordinaire.

— Es-tu malade, Alix ? Comme tu es pâle ! s’écria le petit garçon en voyant apparaître sa sœur.

Sous le regard investigateur qu’Even et Georgina tournèrent simultanément vers elle, la jeune fille rougit légèrement. Elle sourit avec effort et répondit en feignant la gaieté :

— Je me porte fort bien, au contraire, mon petit. Tu sais que je suis toujours un peu pâle.

— Ce qui ne vous empêche pas d’avoir une santé suffisamment robuste, fit observer Mme Orzal en prenant place à table.

Il n’y avait plus trace, sur sa physionomie, de la crise d’exaspération qui venait d’émotionner si fort Alix. Avec une parfaite aisance d’esprit, elle entretint la conversation un peu languissante par suite de l’absence de miss Elson. Particulièrement, elle se montra aimable envers son frère, semblant prendre