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Le notaire sait que votre mère avait encore ses parents, à l’époque de son mariage, et qu’ils habitaient Ségastel, petit village breton au bord de l’Océan. Il paraît qu’elle fut obligée…

Elle s’interrompit en se mordant légèrement les lèvres.

— Quoi donc, miss Esther ? demanda la jeune fille en plongeant ses yeux interrogateurs dans ce regard embarrassé.

— Mon enfant, il y eut sans doute, dans cette famille, des dissentiments terribles… Mais toujours est-il que votre mère se maria en ayant recours aux sommations respectueuses.

La physionomie d’Alix s’assombrit un peu, ses yeux se fermèrent quelques instants comme pour mieux concentrer en elle l’intensité de sa pensée… Elle les ouvrit tout à coup et dit d’un ton résolu :

— Bien certainement, ma chère maman, si bonne et de conscience très délicate, n’a accompli cet acte que forcée par de graves motifs… N’est-ce pas votre opinion, chère miss Esther ?

— Absolument, mon enfant. Il existe parfois, dans les familles, des circonstances si complexes et si douloureuses ! Le notaire a écrit à Ségastel pour obtenir les renseignements nécessaires. Mais il me semble, si ces parents existent, qu’ils doivent être peu pressés d’accueillir les enfants de celle qu’ils n’ont pas revue depuis tant d’années.

— Qu’ils restent chez eux !… Oh ! qu’ils nous laissent !… s’écria vivement la jeune fille. Que m’importent ces parents inconnus !… Je préfère des étrangers, miss Esther !

— Voyons, n’exagérons rien, folle enfant. Il faut savoir avant de se prononcer ainsi… Que voulez-vous, Gaétan ?

Elle se tournait vers une porte, dans l’ouverture de laquelle se dessinait la forme svelte d’un garçon-