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par l’angoisse et se forçant cependant à sourire pour le rassurer.

Sur le seuil du salon de la tour se tenaient Georgina, ses parents et miss Elson. Sur tous ces visages se peignait une même stupeur à ce spectacle inusité : Even, le farouche Even, tenant son neveu entre ses bras !

D’une main singulièrement agitée, Georgina releva sa jupe de soie brune et s’avança rapidement vers les arrivants. Un observateur eût aisément démêlé une colère sourde dans ce regard en apparence indifférent et dans les intonations de cette voix.

— Enfin, le voici retrouvé, ce petit fugitif !…Vraiment, il mériterait d’être puni pour avoir causé une telle inquiétude ! Mais comme vous vous tourmentiez vite, Alix I… Il était de toute évidence que cet enfant ne pouvait être perdu.

— Même s’il était tombé dans l’oubliette ? dit Alix d’une voix tremblante, en fixant son regard sur les yeux gris, qui se voilèrent aussitôt de leurs paupières. Et qui vous dit que ce séjour dans cette cave, si court soit-il, ne lui sera pas fatal ?

Georgina détourna légèrement la tête et, sans répondre, s’approcha de son frère.

— Donne-le-moi… Je sais que tu n’aimes pas les enfants, dit-elle doucement.

Il ne parut pas voir les mains qui se tendaient vers lui, et, sans répondre, sans la regarder, il continua sa marche vers la tour de Saint-Conan.

Appuyé sur sa grosse canne en bois rugueux, le comte Hervé regardait venir son fils. Près de lui, sa femme abritait de sa petite main flétrie ses yeux, saisis par la vive clarté du dehors… Tous deux, d’un même mouvement, se penchèrent vers Even quand il passa devant eux.

— Even, il n’est pas mort ? dit une voix rauque, un peu anxieuse.