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deux très petites mains se montraient, serrant avec force la robe de la jeune fille.

Tout à coup, des plis de la jupe de cachemire sortit un visage d’enfant — un fin et joli visage dont les yeux bleus, très doux, se promenèrent quelques secondes autour du salon. Ils regardèrent longuement le violon posé sur un fauteuil, près de sa boîte béante, et le pupitre où s’ouvraient les feuillets d’un morceau de musique… Ce regard enfantin reflétait une vive perplexité et le petit front blanc se plissait sous la tension de quelque embarrassante pensée. Tout bas, une voix douce murmura :

— Alix !

La jeune fille tressaillit légèrement. Se penchant vers la tête bouclée levée vers elle, elle demanda :

— Que veux-tu, mon chéri ?

— Alix, tu m’as dit que papa était parti pour toujours… Alors pourquoi a-t-il laissé son violon, dis, Alix ?… et sa musique qu’il aimait tant ?

Les beaux yeux d’Alix s’emplirent de larmes brûlantes. Depuis l’instant où son père, terrassé par un mal subit, était tombé dans ce salon, le violon à la main, elle n’avait pu toucher à ces objets si chers au disparu. Ils étaient encore quelque chose de lui-même, un peu de la pensée qui animait le gentilhomme artiste et vibrait encore sur les cordes gémissantes au moment où il s’affaissa, inanimé.

— Il n’a plus besoin de rien, là où il est, près du Bon Dieu, mon petit Xavier, répondit-elle en essayant de raffermir sa voix tremblante. Maintenant, il entend les cantiques des anges.

Le petit considéra quelques minutes avec perplexité le visage attristé de la jeune fille.

— Alors, pourquoi pleures-tu, Alix ?… Papa doit être très content…

— Mais oui, mon petit enfant, tu as raison, répondit-elle en passant tendrement sa main sur la che-