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Loin d’un monde léger venez donc à vos pleurs,
Venez associer les bois, les eaux, les fleurs.
Tout devient un ami pour les âmes sensibles ;
Déjà, pour l’embrasser de leurs ombres paisibles,
Se penchent sur la tombe, objet de vos regrets,
L’if, le sombre sapin ; et toi, triste cyprès,
Fidèle ami des morts, protecteur de leur cendre,
Ta tige chère au cœur mélancolique et tendre,
Laisse la joie au myrte et la gloire au laurier ;
Tu n’es point l’arbre heureux de l’amant, du guerrier,
Je le sais ; mais ton deuil compatit à nos peines.

Dans tous ces monuments point de recherches vaines.
Pouvez-vous allier dans ces objets touchants
L’art avec la douleur, le luxe avec les champs ?
Surtout ne feignez rien. Loin ce cercueil factice,
Ces urnes sans douleur, que plaça le caprice.
Loin ces vains monuments d’un chien ou d’un oiseau.
C’est profaner le deuil, insulter au tombeau.

Ah ! si d’aucun ami vous n’honorez la cendre,
Voyez sous ces vieux ifs la tombe où vont se rendre
Ceux qui, courbés pour vous sur des sillons
Au sein de la misère espèrent le trépas.