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Jamais rien de hardi dans leurs froids paysages :
Partout de frais berceaux et d’élégants bocages.
Toujours des fleurs, toujours des festons ; c’est toujours
Ou le temple de Flore, ou celui des Amours.
Leur gaieté monotone à la fin m’importune.
Mais vous, osez sortir de la route commune.
Inventez, hasardez des contrastes heureux ;
Des effets opposés peuvent s’aider entre eux.
Imitez le Poussin. Aux fêtes bocagères
Il nous peint des bergers et de jeunes bergères,
Les bras entrelacés dansant sous des ormeaux,
Et près d’eux une tombe où sont écrits ces mots :
Et moi, je fus aussi pasteur dans l’Arcadie.
Ce tableau des plaisirs, du néant de la vie,
Semble dire : « Mortels, hâtez-vous de jouir ;
Jeux, danses et bergers, tout va s’évanouir ».
Et dans l’âme attendrie, à la vive allégresse
Succède par degrés une douce tristesse.

Imitez ces effets. Dans de riants tableaux
Ne craignez point d’offrir des urnes, des tombeaux,
D’offrir de vos douleurs le monument fidèle.
Eh ! qui n’a pas pleuré quelque perte cruelle ?