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L’imagination y devance les yeux.
Plus loin, c’est un beau lac qui réfléchit les cieux.
Tantôt, dans le lointain confuse et fugitive,
Se déploie une riche et vaste perspective.
Quelquefois un bosquet riant, mais recueilli,
Par la nature et vous à la fois embelli,
Plein d’ombres et de fleurs, et d’un luxe champêtre,
Semble dire : « Arrêtez ; où pouvez-vous mieux être ? »
Soudain la scène change : au lieu de la gaieté,
C’est la mélancolie et la tranquillité,
C’est le calme imposant des lieux où sont nourries
La méditation, les longues rêveries.
Là, l’homme avec son cœur revient s’entretenir,
Médite le présent, plonge dans l’avenir,
Songe aux biens, songe aux maux épars dans sa carrière ;
Quelquefois, rejetant ses regards en arrière,
Se plaît à distinguer dans le cercle des jours
Ce peu d’instants, hélas ! et si chers et si courts,
Ces fleurs dans un désert, ces temps où le ramène
Le regret du bonheur, et même de la peine.

Craignez donc d’imiter ces froids décorateurs
Qui ne veulent jamais que des objets flatteurs.