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Il est des plis heureux, des courbes naturelles
Dont les champs quelquefois vous offrent des modèles.
La route de ces chars, la trace des troupeaux
Qui d’un pas négligent regagnent les hameaux,
La bergère indolente, et qui dans les prairies
Semble suivre au hasard ses tendres rêveries,
Vous enseignent ces plis mollement onduleux.
Loin donc de vos sentiers ces contours anguleux.
Surtout, quand vers le but un long détour vous mène,
Songez que le plaisir doit racheter la peine.

Des poètes fameux osez imiter l’art.
Si leur muse en marchant se permet quelque écart,
Ce détour me rit plus que le chemin lui-même.
C’est Nisus défendant Euryale qu’il aime,
C’est au tombeau d’Hector son Andromaque en pleurs.
Qu’ainsi votre art m’égare en de douces erreurs.
Des plus riants objets égayez le passage,
Et qu’au terme arrivés votre art nous dédommage,
Par d’aimables aspects, de riches ornements,
De ce vivant poème épisodes charmants.

Ici, vous m’offrirez des antres verts et sombres,
Qu’habitent la fraîcheur, le silence et les ombres.