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Vous montrez vos travaux, votre art avec adresse
Va chercher ce qui plaît, évite ce qui blesse,
Lui découvre en passant des sites enchantés,
Lui réserve au retour de nouvelles beautés,
De surprise en surprise et l’amuse, et l’entraîne,
D’une scène qui fuit fait naître une autre scène,
Et toujours remplissant ou piquant son désir,
Souvent, pour l’augmenter, diffère son plaisir.
Eh bien ! que vos sentiers vous imitent vous-même.

Dans leurs formes encor fuyez tout vain système,
Enfant du mauvais goût, par la mode adopté.
La mode règne aux champs, ainsi qu’à la cité.
Quand de leur symétrique et pompeuse ordonnance
Les jardins d’Italie eurent charmé la France,
Tout de cet art brillant fut prompt à s’éblouir :
Pas un arbre au cordeau n’osa désobéir ;
Tout s’aligna. Partout, en deux rangs étalées,
S’allongèrent sans fin d’éternelles allées.
Autre temps, autre goût. Enfin le parc anglois
D’une beauté plus libre avertit le françois.
Dès lors on ne vit plus que lignes ondoyantes,
Que sentiers tortueux, que routes tournoyantes.