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Dans un gouffre sans fond cache sa source obscure,
Combien j’aimois à voir ton eau, qui, toujours pure,
Tantôt dans son bassin renferme ses trésors,
Tantôt en bouillonnant s’élève, et de ses bords
Versant parmi des rocs ses vagues blanchissantes,
De cascade en cascade au loin rejaillissantes,
Tombe et roule à grand bruit ; puis, calmant son courroux,
Sur un lit plus égal répand des flots plus doux,
Et sous un ciel d’azur par vingt canaux féconde
Le plus riant vallon qu’éclaire l’œil du monde !
Mais ces eaux, ce beau ciel, ce vallon enchanteur,
Moins que Pétrarque et Laure intéressoient mon cœur.
La voilà donc, disois-je, oui, voilà cette rive
Que Pétrarque charmoit de sa lyre plaintive !
Ici Pétrarque à Laure exprimant son amour,
Voyait naître trop tard, mourir trop tôt le jour.
Retrouverai-je encor sur ces rocs solitaires
De leurs chiffres unis les tendres caractères ?
Une grotte écartée avoit frappé mes yeux.
Grotte sombre, dis-moi si tu les vis heureux,
M’écriois-je ! Un vieux tronc bordoit-il le rivage ?
Laure avoit reposé sous son antique ombrage.