Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/84

Cette page n’a pas encore été corrigée

Au milieu d’eux s’élève et nage avec fierté
Le cygne au cou superbe, au plumage argenté,
Le cygne, à qui l’erreur prêta des chants aimables,
Et qui n’a pas besoin du mensonge des fables.
Pour animer les eaux, l’art encor n’a-t-il pas
Le flottant appareil des voiles et des mâts ?
Par la rame emportée, une barque légère
Laisse à peine, en fuyant, sa trace passagère :
Zéphyre de la toile enfle les plis mouvants,
Et chaque banderole est le jouet des vents.

Et si nos vieux romans, ou la fable, ou l’histoire,
D’un ruisseau, d’une source ont consacré la gloire ;
De leur antique honneur ces flots enorgueillis,
Par d’heureux souvenirs sont assez embellis.
Quel cœur, sans être ému, trouveroit Aréthuse,
Alphée, ou le Lignon : toi surtout, toi, Vaucluse,
Vaucluse, heureux séjour, que sans enchantement
Ne peut voir nul poète, et surtout nul amant ?
Dans ce cercle de monts, qui, recourbant leur chaîne,
Nourrissent de leurs eaux ta source souterraine,
Sous la roche voûtée, antre mystérieux,
Où ta nymphe, échappant aux regards curieux,