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Par un contraire effet si vous voulez l’étendre,
Aux bords trop exhaussés ordonnez de descendre ;
Ou reculez vos bois, ou commandez que l’eau
Se perde en un bosquet, tourne au pied d’un coteau.
À travers ces rideaux où l’eau fuit et se plonge,
L’imagination la suit et la prolonge.
Ainsi votre œil jouit de ce qu’il ne voit pas ;
Ainsi le goût savant prête à tout des appas,
Et des objets qu’il crée, et de ceux qu’il imite
Resserre, étend, découvre, ou cache la limite.
Or, maintenant que l’art dans ses jardins pompeux
Insulte à mes travaux, dans mes jardins heureux
Partout respire un air de liberté, de joie ;
La pelouse riante à son gré se déploie ;
Les bois indépendants relèvent leurs rameaux ;
Les fleurs bravent l’équerre, et l’arbre les ciseaux ;
L’onde chérit ses bords, la terre sa parure ;
Tout est beau, simple et grand : c’est l’art de la nature.
Mais ces eaux, mais leurs bords sont encore déserts.
Venez ; peuplons leur sein de citoyens divers.
Plaçons-y ces oiseaux qui, d’une rame agile,
Navigateurs ailés, fendent l’onde docile.