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Vous fécondez les champs ; vous répétez les cieux ;
Vous enchantez l’oreille et vous charmez les yeux.
Venez : puissent mes vers, en suivant votre course,
Couler plus abondants encor que votre source,
Plus légers que les vents qui courbent vos roseaux,
Doux comme votre bruit, et purs comme vos eaux !

Et vous qui dirigez ces ondes bienfaitrices,
Respectez leur penchant et même leurs caprices.
Dans la facilité de ses libres détours,
Voyez l’eau de ses bords embrasser les contours.
De quel droit osez-vous, captivant sa souplesse,
De ses plis sinueux contraindre la mollesse ?
Que lui fait tout le marbre où vous l’emprisonnez ?
Voyez-vous, les cheveux aux vents abandonnés,
Sans contrainte, sans art, sans parure étrangère,
Marcher, courir, bondir la folâtre bergère ?
Sa grâce est dans l’aisance et dans la liberté.
Mais au fond d’un sérail contemplez la beauté :
En vain elle éblouit, vainement elle étale
De ses atours captifs la pompe orientale ;
Je ne sais quoi de triste, empreint dans tous ses traits,
Décèle la contrainte et flétrit ses attraits.