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Cachez ou découvrez, variez à la fois
Les bois par les rochers, les rochers par les bois.

N’avez-vous pas encor, pour former leur parure,
Des arbustes rampants l’errante chevelure ?
J’aime à voir ces rameaux, ces souples rejetons,
Sur leurs arides flancs serpenter en festons.
J’aime à voir leur front chauve et leur tête sauvage
Se coiffer de verdure, et s’entourer d’ombrage.
C’est peu. Parmi ces rocs un vallon précieux,
Un terrain moins ingrat vient-il rire à vos yeux ?
Saisissez ce bienfait ; déployez à la vue
D’un sol favorisé la richesse imprévue.
C’est un contraste heureux ; c’est la stérilité
Qui cède un coin de terre à la fertilité.
Ainsi vous subjuguez leur âpre caractère.

Mais quoi ! faut-il toujours les orner pour vous plaire ?
Non ; l’art qui doit toujours en adoucir l’horreur,
Leur permet quelquefois d’inspirer la terreur.
Lui-même il les seconde. Au bord d’un précipice
D’une simple cabane il pose l’édifice :
Le précipice encore en paroît agrandi.
Tantôt d’un roc à l’autre il jette un pont hardi.