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Tous ces rocs variant leurs gigantesques cimes,
Vers le ciel élancés, roulés dans des abîmes,
L’un par l’autre appuyés, l’un sur l’autre étendus,
Quelquefois dans les airs hardiment suspendus,
Les uns taillés en tours, en arcades rustiques,
Quelques-uns à travers leurs noirâtres portiques
Du ciel dans le lointain laissant percer l’azur,
Des sources, des ruisseaux le cours brillant et pur,
Tout rappelle à l’esprit ces magiques retraites,
Ces romanesques lieux qu’ont chantés les poètes.
Heureux si ces grands traits embellissent vos champs !

Mais dans votre tableau leurs tons seroient tranchants.
C’est là, c’est pour dompter leur inculte énergie,
Qu’il faut d’un enchanteur le charme et la magie.
Cet enchanteur, c’est l’art ; ces charmes, sont les bois.
Il parle ; les rochers s’ombragent à sa voix,
Et semblent s’applaudir de leur pompe étrangère.
Mais en ornant ainsi leur sécheresse austère,
Variez bien vos plants. Offrez aux spectateurs
Des contrastes de tons, de formes, de couleurs.
Que les plus beaux rochers sortent par intervalles.
N’interromprez-vous point ces masses trop égales ?