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Mais ce riant sujet plaît trop à mes pinceaux,
Destinés à tracer de plus mâles tableaux.

Ô vous, dont je foulois les pelouses fleuries,
Adieu, charmants bosquets, adieu, vertes prairies ;
Ces masses de rochers confusément épars
Sur leur informe aspect appellent mes regards.
De nos jardins voués à la monotonie
Leur sublime âpreté jadis étoit bannie.
Depuis qu’enfin le peintre y prescrivant des lois,
Sur l’arpenteur timide a repris tous ses droits,
Nos jardins plus hardis de ces effets s’emparent.
Mais de quelque beauté que ces masses les parent,
Si le sol n’offre point ces blocs majestueux,
De la nature en vain rival présomptueux,
L’art en voudroit tenter une infidèle image.
Du haut des vrais rochers, sa demeure sauvage,
La nature se rit de ces rocs contrefaits,
D’un travail impuissant avortons imparfaits.

Loin de ces froids essais qu’un vain effort étale,
Aux champs de Midleton, aux monts de Dovedale,
Whateli, je te suis ; viens, j’y monte avec toi.
Que je m’y sens saisi d’un agréable effroi !