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Simples tributs du cœur, vos dons sont chaque jour
Offerts par l’amitié, hasardés par l’amour.
D’embellir la beauté vous obtenez la gloire ;
Le laurier vous permet de parer la victoire ;
Plus d’un hameau vous donne en prix à la pudeur.
L’autel même où de Dieu repose la grandeur,
Se parfume au printemps de vos douces offrandes,
Et la religion sourit à vos guirlandes.
Mais c’est dans nos jardins qu’est votre heureux séjour.
Filles de la rosée et de l’astre du jour,
Venez donc de nos champs décorer le théâtre.

N’attendez pas pourtant qu’amateur idolâtre,
Au lieu de vous jeter par touffes, par bouquets,
J’aille de lits en lits, de parquets en parquets,
De chaque fleur nouvelle attendre la naissance,
Observer ses couleurs, épier leur nuance.
Je sais que dans Harlem plus d’un triste amateur
Au fond de ses jardins s’enferme avec sa fleur,
Pour voir sa renoncule avant l’aube s’éveille,
D’une anémone unique adore la merveille,
Ou, d’un rival heureux enviant le secret,
Achète au poids de l’or les taches d’un œillet.