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Et vous ne l’aidez pas ! Qui sait dans son trésor
Quels biens à l’industrie elle réserve encor ?
Comme l’art à son gré guide le cours de l’onde,
Il peut guider la sève ; à sa liqueur féconde
Montrez d’autres chemins, ouvrez d’autres canaux.
Dans vos champs enrichis par des hymens nouveaux,
Des sucs vierges encor essayez le mélange ;
De leurs dons mutuels favorisez l’échange.
Combien d’arbres, de fruits, de plantes et de fleurs,
Dont l’art changea le goût, les parfums, les couleurs !
La pêche a dû sa gloire à ces métamorphoses.
D’un triple diadème ainsi brillent les roses ;
De son panache ainsi l’œillet s’enorgueillit.
Osez. Dieu fit le monde, et l’homme l’embellit.

Que si vous n’osez pas essayer ces conquêtes,
Combien sous d’autres cieux de richesses sont prêtes !
Usurpez ces trésors. Ainsi le fier romain,
Et ravisseur plus juste, et vainqueur plus humain,
Conquit des fruits nouveaux, porta dans l’Ausonie
Le prunier de Damas, l’abricot d’Arménie,
Le poirier des gaulois, tant d’autres fruits divers.
C’est ainsi qu’il falloit s’asservir l’univers.