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Et les temps, les climats vaincus par des prodiges,
Semblent de la féerie épuiser les prestiges.
Mais l’art et la féerie, et ses enchantements
Ne sont pas des jardins les plus doux ornements.
L’habitude bientôt a flétri vos bocages.
Souvent, quand l’étranger jouit de vos ombrages,
Déjà leur possesseur languit sans intérêt.
N’est-il pas des moyens dont le charme secret
Vous rende leur beauté toujours plus attachante ?

Oh ! combien des Lapons l’usage heureux m’enchante !
Qu’ils savent bien tromper leurs hivers rigoureux !
Nos superbes tilleuls, nos ormeaux vigoureux,
De ces champs ennemis redoutent la froidure :
De quelques noirs sapins l’indigente verdure
Par intervalle à peine y perce les frimas ;
Mais le moindre arbrisseau qu’épargnent ces climats,
Par des charmes plus doux à leurs regards sait plaire :
Planté pour un ami, pour un fils, pour un père,
Pour un hôte qui part emportant leurs regrets,
Il en reçoit le nom, le nom cher à jamais.

Vous, dont un ciel plus pur éclaire la patrie,
Vous pouvez imiter cette heureuse industrie :