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Viens, non le front chargé des nuages affreux
Dont marche enveloppé le chagrin ténébreux,
Mais l’œil demi-voilé, mais telle qu’en automne
À travers des vapeurs un jour plus doux rayonne :
Viens, le regard pensif, le front calme, et les yeux
Tout prêts à s’humecter de pleurs délicieux.

Mais tandis que mon cœur nourrit ces rêveries,
D’arbustes, d’arbrisseaux mille races fleuries
M’appellent à leur tour. Venez, peuple enchanteur,
Vous êtes la nuance entre l’arbre et la fleur ;
De vos traits délicats venez orner la scène.
Oh ! que si moins pressé du sujet qui m’entraîne,
Vers le but qui m’attend je ne hâtois mes pas,
Que j’aurois de plaisir à diriger vos bras !
Je vous reproduirois sous cent formes fécondes ;
Ma main sous vos berceaux feroit rouler les ondes ;
En dômes, en lambris j’unirois vos rameaux ;
Mollement enlacés autour de ces ormeaux,
Vos bras serpenteroient sur leur robuste écorce,
Emblème de la grâce unie avec la force :
Je fondrois vos couleurs, et du blanc le plus pur,
Du plus tendre incarnat jusqu’au plus sombre azur,