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Par ces dômes touffus qui couvroient vos aïeux,
Profanes, respectez ces troncs religieux ;
Et quand l’âge leur laisse une tige robuste,
Gardez-vous d’attenter à leur vieillesse auguste.
Trop tôt le jour viendra que ces bois languissants,
Pour céder leur empire à de plus jeunes plants,
Tomberont sous le fer, et de leur tête altière
Verront l’antique honneur flétri dans la poussière.

Ô Versaille ! ô regrets ! ô bosquets ravissants,
Chefs-d’œuvre d’un grand roi, de Le Nôtre et des ans !
La hache est à vos pieds et votre heure est venue.
Ces arbres dont l’orgueil s’élançoit dans la nue,
Frappés dans leur racine, et balançant dans l’air
Leurs superbes sommets ébranlés par le fer,
Tombent, et de leurs troncs jonchent au loin ces routes
Sur qui leurs bras pompeux s’arrondissoient en voûtes.
Ils sont détruits, ces bois, dont le front glorieux
Ombrageoit de Louis le front victorieux,
Ces bois où, célébrant de plus douces conquêtes,
Les arts voluptueux multiplioient les fêtes !
Amour, qu’est devenu cet asile enchanté
Qui vit de Montespan soupirer la fierté ?