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Ainsi le bois par vous perd sa rudesse austère :
Mais n’en détruisez pas le grave caractère.
De détails trop fréquents, d’objets minutieux
N’allez pas découper son ensemble à nos yeux.
Qu’il soit un, simple et grand, et que votre art lui laisse,
Avec toute sa pompe, un peu de sa rudesse.
Montrez ces troncs brisés ; je veux des noirs torrents
Dans le creux des ravins suivre les flots errants.
Du temps, des eaux, de l’air n’effacez point la trace ;
De ces rochers pendants respectez la menace,
Et qu’enfin dans ces lieux empreints de majesté
Tout respire une mâle et sauvage beauté.

Telle on aime d’un bois la rustique noblesse.
Le bocage moins fier, avec plus de mollesse
Déploie à nos regards des tableaux plus riants,
Veut un site agréable, et des contours liants,
Fuit, revient, et s’égare en routes sinueuses,
Promène entre des fleurs des eaux voluptueuses ;
Et j’y crois voir encore, ivre d’un doux loisir,
Épicure dicter les leçons du plaisir.
Mais c’est peu qu’en leur sein le bois ou le bocage
Renferment leur richesse élégante ou sauvage ;