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Regardez dans Milton. Quand ses puissantes mains
Préparent un asile aux premiers des humains ;
Le voyez-vous tracer des routes régulières,
Contraindre dans leur cours les ondes prisonnières ?
Le voyez-vous parer d’étrangers ornements
L’enfance de la terre et son premier printemps ?
Sans contrainte, sans art, de ses douces prémices
La nature épuisa les plus pures délices.
Des plaines, des coteaux le mélange charmant,
Les ondes à leur choix errantes mollement,
Des sentiers sinueux les routes indécises,
Le désordre enchanteur, les piquantes surprises,
Des aspects où les yeux hésitoient à choisir,
Varioient, suspendoient, prolongeoient leur plaisir.
Sur l’émail velouté d’une fraîche verdure,
Mille arbres, de ces lieux ondoyante parure,
Charme de l’odorat, du goût et des regards,
Élégamment groupés, négligemment épars,
Se fuyoient, s’approchoient, quelquefois à leur vue
Ouvroient dans le lointain une scène imprévue ;
Ou, tombant jusqu’à terre, et recourbant leurs bras,
Venoient d’un doux obstacle embarrasser leurs pas ;