Page:Delille - Les Jardins, 1782.djvu/35

Cette page n’a pas encore été corrigée

Tomber, se prolonger dans des canaux superbes,
Là, s’épancher en nappe ; ici, monter en gerbes ;
Et, dans l’air s’enflammant aux feux d’un soleil pur,
Pleuvoir en gouttes d’or, d’émeraude et d’azur ?
Si j’égare mes pas dans ces bocages sombres,
Des Faunes, des Sylvains en ont peuplé les ombres,
Et Diane et Vénus enchantent ce beau lieu.
Tout bosquet est un temple, et tout marbre est un dieu ;
Et Louis, respirant du fracas des conquêtes,
Semble avoir invité tout l’Olympe à ses fêtes.
C’est dans ces grands effets que l’art doit se montrer.

Mais l’esprit aisément se lasse d’admirer.
J’applaudis l’orateur dont les nobles pensées
Roulent pompeusement, avec soin cadencées :
Mais ce plaisir est court. Je quitte l’orateur
Pour chercher un ami qui me parle du cœur.
Du marbre, de l’airain que le luxe prodigue,
Des ornements de l’art l’œil bientôt se fatigue ;
Mais les bois, mais les eaux, mais les ombrages frais,
Tout ce luxe innocent ne fatigue jamais.
Aimez donc des jardins la beauté naturelle.
Dieu lui-même aux mortels en traça le modèle.