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L’orne, sans la farder, traite avec indulgence
Ses caprices charmants, sa noble négligence,
Sa marche irrégulière, et fait naître avec art
Les beautés, du désordre, et même du hasard.

Chacun d’eux a ses droits ; n’excluons l’un ni l’autre :
Je ne décide point entre Kent et Le Nôtre.
Ainsi que leurs beautés, tous les deux ont leurs lois.
L’un est fait pour briller chez les grands et les rois ;
Les rois sont condamnés à la magnificence.
On attend autour d’eux l’effort de la puissance ;
On y veut admirer, enivrer ses regards
Des prodiges du luxe et du faste des arts.
L’art peut donc subjuguer la nature rebelle ;
Mais c’est toujours en grand qu’il doit triompher d’elle.
Son éclat fait ses droits ; c’est un usurpateur
Qui doit obtenir grâce, à force de grandeur.
Loin donc ces froids jardins, colifichet champêtre,
Insipides réduits, dont l’insipide maître
Vous vante, en s’admirant, ses arbres bien peignés,
Ses petits salons verts bien tondus, bien soignés ;
Son plant bien symétrique, où, jamais solitaire,
Chaque allée a sa sœur, chaque berceau son frère,