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Surtout sachez saisir, enchaîner à vos plants
Ces accidents heureux qui distinguent les champs.
Ici, c’est un hameau que des bois environnent ;
Là, de leurs longues tours les cités se couronnent ;
Et l’ardoise azurée, au loin frappant les yeux,
Court en sommet aigu se perdre dans les cieux.
Oublierai-je ce fleuve, et son cours, et ses rives ?
Votre œil de loin poursuit les voiles fugitives.
Des îles quelquefois s’élèvent de son sein ;
Quelquefois il s’enfuit sous l’arc d’un pont lointain.
Et si la vaste mer à vos yeux se présente,
Montrez, mais variez cette scène imposante.
Ici, qu’on l’entrevoie à travers des rameaux.
Là, dans l’enfoncement de ces profonds berceaux,
Comme au bout d’un long tube une voûte la montre.
Au détour d’un bosquet ici l’œil la rencontre,
La perd encore ; enfin la vue en liberté
Tout-à-coup la découvre en son immensité.
Sur ces aspects divers fixez l’œil qui s’égare ;
Mais, il faut l’avouer, c’est d’une main avare
Que les hommes, les arts, la nature et le temps
Sèment autour de nous de riches accidents.