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N’allez pas resserrer dans des cadres étroits,
Des rivières, des lacs, des montagnes, des bois.
On rit de ces jardins, absurde parodie
Des traits que jette en grand la nature hardie ;
Où l’art, invraisemblable à la fois et grossier,
Enferme en un arpent un pays tout entier.

Au lieu de cet amas, de ce confus mélange,
Variez les sujets, ou que leur aspect change :
Rapprochés, éloignés, entrevus, découverts,
Qu’ils offrent tour à tour vingt spectacles divers.
Que de l’effet qui suit l’adroite incertitude
Laisse à l’œil curieux sa douce inquiétude ;
Qu’enfin les ornements avec goût soient placés,
Jamais trop imprévus, jamais trop annoncés.

Surtout du mouvement : sans lui, sans sa magie,
L’esprit désoccupé retombe en léthargie ;
Sans lui, sur vos champs froids mon œil glisse au hasard.
Des grands peintres encor faut-il attester l’art ?
Voyez-les prodiguer de leur pinceau fertile
De mobiles objets sur la toile immobile,
L’onde qui fuit, le vent qui courbe les rameaux,
Les globes de fumée exhalés des hameaux,