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Soudain un trait heureux jaillit d’un fond stérile,
Et mon vers ranimé coule enfin plus facile.

Il est des soins plus doux, un art plus enchanteur.
C’est peu de charmer l’œil, il faut parler au cœur.
Avez-vous donc connu ces rapports invisibles
Des corps inanimés et des êtres sensibles ?
Avez-vous entendu des eaux, des prés, des bois,
La muette éloquence et la secrète voix ?
Rendez-nous ces effets. Que du riant au sombre,
Du noble au gracieux, les passages sans nombre
M’intéressent toujours. Simple et grand, fort et doux,
Unissez tous les tons pour plaire à tous les goûts
Là, que le peintre vienne enrichir sa palette ;
Que l’inspiration y trouble le poète ;
Que le sage du calme y goûte les douceurs ;
L’heureux, ses souvenirs ; le malheureux, ses pleurs.

Mais l’audace est commune, et le bon sens est rare.
Au lieu d’être piquant, souvent on est bizarre.
Gardez que, mal unis, ces effets différents
Ne forment qu’un chaos de traits incohérents.
Les contradictions ne sont pas des contrastes.

D’ailleurs, à ces tableaux il faut des toiles vastes.