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vers, où l’esprit demande qu’on le mène par des routes un peu détournées, et qu’on lui présente des objets inattendus.

De plus, il a chanté les jardins du genre régulier, et la monotonie attachée à la grande régularité a passé du sujet dans le poème.

L’imagination, naturellement amie de la liberté, tantôt se promène péniblement dans les dessins contournés d’un parterre, tantôt va expirer au bout d’une longue allée droite. Partout elle regrette la beauté un peu désordonnée et la piquante irrégularité de la nature.

Enfin, il n’a traité que la partie mécanique de l’art des jardins. Il a entièrement oublié la partie la plus essentielle, celle qui cherche dans nos sensations, dans nos sentiments, la source des plaisirs que nous causent les scènes champêtres et les beautés de la nature, perfectionnées par l’art.

En un mot, ses jardins sont ceux de l’architecte ; les autres sont ceux du philosophe, du peintre et du poète.

Ce genre a beaucoup gagné depuis quelques années ; et si c’est encore un effet de la mode, il faut lui rendre grâce. L’art des jardins, qu’on pourroit appeler le luxe de l’agriculture, me paraît un des amusements les plus convenables, je dirais presque les plus vertueux des personnes riches. Comme culture, il les ramène