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Et ces tristes Césars, cent fois plus monstres qu’eux,
Aux portes des bosquets sentinelles affreux,
Qui tout hideux encor de soupçons et de crimes,
Semblent encor de l’œil désigner leurs victimes,
De quel droit s’offrent-ils dans ce riant séjour ?
Montrez-moi des mortels plus chers à notre amour.
En des lieux consacrés à leur apothéose,
Créez un élysée où leur ombre repose.
Loin des profanes yeux, dans des vallons couverts
De lauriers odorants, de myrtes toujours verts,
En marbre de Paros offrez-nous leurs images.
Qu’une eau lente se plaise à baigner ces bocages,
Et qu’aux ombres du soir mêlant un jour douteux,
Diane aux doux rayons soit l’astre de ces lieux.
Leur tranquille beauté, sous ces dais de verdure
De ces marbres chéris la blancheur tendre et pure,
Ces grands hommes, leur calme et simple majesté,
Cette eau silencieuse, image du Léthé,
Qui semble pour leurs cœurs exempts d’inquiétude
Rouler l’oubli des maux et de l’ingratitude,
Ces bois, ce jour mourant sous leur ombrage épais,
Tout des mânes heureux y respire la paix.