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Heureux, cent fois heureux l’artiste des jardins,
Dont l’art peut s’emparer de ces restes divins !
Déjà la main du temps sourdement le seconde ;
Déjà sur les grandeurs de ces maîtres du monde
La nature se plaît à reprendre ses droits.
Au lieu même où Pompée, heureux vainqueur des rois,
Étaloit tant de faste, ainsi qu’aux jours d’Évandre,
La flûte des bergers revient se faire entendre.
Voyez rire ces champs au laboureur rendus,
Sur ces combles tremblants ces chevreaux suspendus,
L’orgueilleux obélisque au loin couché sur l’herbe,
L’humble ronce embrassant la colonne superbe ;
Ces forêts d’arbrisseaux, de plantes, de buissons,
Montant, tombant en grappe, en touffes, en festons,
Par le souffle des vents semés sur ces ruines ;
Le figuier, l’olivier, de leurs foibles racines
Achèvent d’ébranler l’ouvrage des romains ;
Et la vigne flexible, et le lierre aux cent mains,
Autour de ces débris rampant avec souplesse,
Semblent vouloir cacher ou parer leur vieillesse.

Mais si vous n’avez pas ces restes renommés,
N’avez-vous pas du moins ces bronzes animés,