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Ces débris, cette mâle et triste architecture,
Qu’environne une fraîche et riante verdure,
Ces angles, ces glacis, ces vieux restes de tours,
Où l’oiseau couve en paix le fruit de ses amours,
Et ces troupeaux peuplant ces enceintes guerrières,
Et l’enfant qui se joue où combattoient ses pères,
Saisissez ce contraste, et déployez aux yeux
Ce tableau doux et fier, champêtre et belliqueux.

Plus loin, une abbaye antique, abandonnée,
Tout à coup s’offre aux yeux de bois environnée.
Quel silence ! C’est là qu’amante du désert
La Méditation avec plaisir se perd
Sous ces portiques saints, où des vierges austères,
Jadis, comme ces feux, ces lampes solitaires
Dont les mornes clartés veillent dans le saint lieu,
Pâles, veilloient, brûloient, se consumoient pour Dieu.
Le saint recueillement, la paisible innocence
Semble encor de ces lieux habiter le silence.
La mousse de ces murs, ce dôme, cette tour,
Les arcs de ce long cloître impénétrable au jour,
Les degrés de l’autel usés par la prière,
Ces noirs vitraux, ce sombre et profond sanctuaire