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UNE NUIT DANS LA CITÉ DE LONDRES.

que quatre policemen amenèrent deux hommes, dont un bandit que nous avions remarqué au Coq of Neptune, et qu’on venait de prendre à voler dans la rue. Son interrogatoire ne fut pas long, et on le mit dans une cellule sans qu’il en fût le moins du monde affecté, n’étant pas un novice, tant s’en faut. L’autre était un Irlandais, et la déposition du policeman fut celle-ci :

« Je faisais ma ronde paisiblement dans la rue (je ne me souvient pas du nom), lorsque ce Monsieur passa près de moi avec deux autres, et avant que j’aie pu rien voir, J’étais couché sur le trottoir les jambes en l’air ; en me relevant, je n’ai pu prendre que Monsieur, et le voici. »

Alors l’Irlandais, homme assez bien bâti et n’ayant pas, du reste, une très-mauvaise figure, commença un long speech et profita de l’occasion pour énumérer ses antécédents parfaitement honorables, ce qui amena un sourire sur les figures fort graves des policemen, et il finit en disant : « Non, Messieurs, je n’ai jamais de ma vie jeté personne, personne au monde, sur le dos, dans la rue… » Ceci fut dit avec une grande emphase.

— Excepté moi, répliqua, sans rien ajouter, le policeman en se frottant le dos, et l’Irlandais fut mis dans sa cellule.

Ce dernier épisode vidé, mes inspecteurs me demandèrent si j’étais satisfait et si j’avais rempli mon but ; ils exigèrent de me ramener chez moi, et ne me quittèrent qu’à ma porte. Nous réglâmes les frais de la dépense pendant la nuit, et après les avoir remerciés de mon mieux de leur complaisance et de leur bonne grâce, je les quittai.

Maintenant, mon cher ami, n’exigez pas de moi que je vous fasse le moindre commentaire ; le sujet prendrait trop de temps à expliquer, et les observations seraient trop longues à développer ; vous aurez sans doute été frappé de tout ce qu’on laisse faire, de tout ce qu’on n’empêche pas dans ces repaires de vices et de débauche. Vous trouverez peut-être avec moi que de ce qu’une plaie existe forcément au milieu d’une grande réunion d’hommes, il ne s’ensuit pas qu’on doive fermer les yeux et la laisser béante et contagieuse ; vous voudriez qu’on cherchât davantage à la guérir, ou, du moins, à en diminuer autant que possible les conséquences. Tel n’est pas le système chez nos voisins, et nous ne sommes pas chargés de leur donner des conseils. Tous les jours, heureusement, ces tanières où je suis entré, grâce aux facilités qui m’ont